Un nouvel article visant à réfléchir à la situation du modélisme ferroviaire aujourd’hui. La décroissance du modélisme ferroviaire est en effet une vieille antienne et on trouve déjà des traces de ce constat dans les cahiers du modélisme numéro 17 de Gérard Huet au milieu des années 90. Ce grand créateur et artisan du modélisme ferroviaire évoquait alors la mainmise des consoles vidéos sur les jeunes générations, mainmise qui fait écho à celles des smartphones et tablettes aujourd’hui. Nul ne saurait contester ces évolutions mais plutôt que d’évoquer une fois encore la décroissance de la pratique du modélisme ferroviaire, peut-être est-il préférable d’évoquer ce qui demeure aujourd’hui et pour quelles raisons. Car à mesure que la pratique s’amenuisait, on peut aussi remarquer qu’elle s’est spécialisée. C’est ainsi une situation à double tranchant : en se spécialisant, on assiste à une production de réseaux de plus en plus réalistes et détaillés mais qui peut aussi exclure des débutants qui voudraient se lancer. Les forums, les clubs, les blogs, les revues spécialisées tentent de faire les liens nécessaires entre ces deux mondes. Nous allons tenter de donner un peu d’épaisseur à la situation actuelle du modélisme ferroviaire…
Table des matières
ToggleUn premier constat sombre
Une démographie vieillissante
C’est un lieu commun en guise d’introduction mais il faut bien reconnaitre qu’il suffit de se rendre dans un club ou dans une manifestation de modélisme ferroviaire pour se rendre compte de l’âge des pratiquants ! Sans données objectives, on peut néanmoins avancer que l’âge moyen dépasse allégrement la cinquantaine. La principale raison de cette démographie vieillissante est le faible renouvellement des pratiquants, les jeunes générations ayant notablement déserté ce loisir.
Un changement en profondeur des pratiques de loisir
C’est le deuxième point de notre introduction : l’évasion des jeunes générations vers d’autres loisirs, les consoles de jeux vidéos citées dans notre préambule et les smartphones et réseaux sociaux plus récemment. Evolutions qui ne sauraient être contestées mais dont on pourra faire remarquer qu’elles touchent de façon diverse les branches du modélisme. Nos constats n’ont aucune valeur statistique et mériteraient d’être approfondis mais remarquons par exemple que la pratique du modélisme de figurines ou Warhammer n’existait pas ou peu il y a 50 ans et s’est beaucoup développée depuis. Par ailleurs, les manifestations de modélisme aérien ou automobile regroupent des pratiquants beaucoup plus jeunes que celles du modélisme ferroviaire. Autrement dit, au sein de la décroissance globale de la pratique du modélisme, le modélisme ferroviaire est celui qui a probablement était le plus touché sans qu’il soit facile d’en dégager aisément des raisons spécifiques : diminution de la taille des logements, prix du matériel, etc.
La situation dans les autres pays occidentaux
Une IA nous a aidé (c’est bien la seule fois…) dans nos recherches pour établir ce tableau. Une point important à souligner de prime abord : des données fiables sur le nombre de modélistes ferroviaires n’existent dans aucun pays et il faut donc prendre ces résultats avec beaucoup de précaution, d’autant plus que certaines de ces données peuvent être anciennes (15 à 20 ans). Toutefois la question a été posée de la même façon (seul le nom du pays ayant été changé), ce qui limite le biais dans la méthode de recherche. La plupart du temps, la recherche fournit une fourchette à l’exception de l’Angleterre et du Japon.

L’analyse pourrait être un peu affinée en proportion du nombre d’habitants – notamment masculins – par pays mais il est néanmoins facile de constater que la pratique du modélisme ferroviaire en Allemagne ou en Angleterre reste encore répandue et ce, beaucoup plus qu’en France. Pourtant, les consoles vidéos, les smartphones et autres réseaux sociaux ne sont pas moins présents dans ces deux pays. Pouvons-nous avancer deux hypothèses à ce stade, difficiles d’ailleurs à investiguer. Le modélisme ferroviaire en France était probablement déjà historiquement moins pratiqué qu’en Angleterre ou en Allemagne et en sus, la décroissance des pratiquants a été plus sévère dans notre pays.
De l'évolution quantitative à l'évolution qualitative
Autre point d’importance : l’évolution qualitative du modélisme ferroviaire. En se réduisant, la pratique du modélisme ferroviaire s’est aussi beaucoup spécialisée. Peu ou plus de grands réseaux généralistes mais des réseaux plus petits évoquant tel ou tel lieu ou moment de l’histoire ferroviaire. Cette évolution a aussi eu pour conséquence d’améliorer notablement la qualité des productions. C’est d’ailleurs une tendance de fond que l’on constate aussi en Angleterre ou en Allemagne par exemple au travers des publications sur les réseaux sociaux.
Dans un précédent article, nous avions proposé plusieurs dimensions constitutives du modélisme ferroviaire : la dimension ludique, la dimension technique, la dimension artistique auxquelles nous pouvons rajouter la dimension culturelle. L’importance de ces dimensions a évolué de façon diverse au sein de l’évolution globale du modélisme ferroviaire. La dimension ludique (celle que nous avons connue enfant) a quasiment totalement disparu et explique en partie la désaffection de ce loisir. La dimension technique a connu des évolutions majeures ininterrompues depuis ces quarante dernières années, suivant en cela le développement des NTIC. La dimension artistique s’est aussi beaucoup développée avec l’émergence du modélisme d’atmosphère et de la même façon, la dimension culturelle s’est affirmée : évocation d’un lieu, d’une époque, d’un évènement particulier de l’histoire ferroviaire dans les réseaux.
Tel est l’état des lieux aujourd’hui. Il serait inutile de le regretter ou de l’ignorer. Mais si l’aspect ludique du « petit train » s’est effectivement évanouie, cela obère grandement les possibilités de renouvellement de générations. Le risque est grand que seuls demeurent les modélistes attachés ou proches de la culture ferroviaire.
Le modélisme ferroviaire aujourd'hui
Nous voudrions compléter ces constats qualitatifs et quantitatifs par d’autres constats peut-être plus difficilement objectivables mais qui participent d’une intérêt et d’une pratique du modélisme ferroviaire encore vivaces.
Les manifestations consacrées au modélisme ferroviaire
Notons tout d’abord que les bourses de modélisme ferroviaire rassemblent des centaines de passionnés. Chaque club organisant peu ou prou une bourse tous les ans, on peut estimer le nombre de ces bourses en France à au moins 300 (certains clubs organisent même deux bourses annuelles). La perpétuation de ces manifestations est un indicateur de la santé de notre loisir. Vous pouvez trouver leur calendrier sur cette page, sur cet autre ou encore cette autre.
Peut-être encore plus probant, les manifestations à caractère national, telles – sans être exhaustif – la fête du train à Meursault, Savoie modélisme à Chambéry ou RailExpo à Dreux. Ces manifestations attirent des milliers de personnes et regroupent à la fois des artisans, des industriels et des réseaux présentés par des particuliers et par des associations.
Le public y est plus varié que celui des bourses spécialisées, beaucoup de familles s’y rendent. Ces manifestations sont de nature à éveiller des vocations parmi les nombreux enfants qui admirent les réseaux. On y trouve souvent quelques réseaux de démonstration où l’on peut conduire des trains. Mais le challenge est difficile, nous citions cet exemple constaté à Fédérail 2023 où les enfants faisaient la queue pour essayer le simulateur de conduite et beaucoup moins devant les réseaux !
Le modélisme ferroviaire sur les réseaux sociaux
Souvent décriés, ils sont néanmoins très utilisés par les modélistes ferroviaires. Au cours de deux études relativement fouillées, la première essentiellement quantitative et la seconde plus qualitative, nous avons tenté de donner une image de l’activité des clubs de modélisme ferroviaire au travers de leur présence numérique. Mais ces deux études donnent une image très partielle du modélisme ferroviaire sur les réseaux sociaux. Tout d’abord elles ne traitent pas des réseaux sociaux plus récents (Instagram, YouTube, TikTok, etc.) et puis elles n’abordent que le modélisme ferroviaire en France. Or, force est de constater que, si le modélisme ferroviaire est un loisir en décroissance, il est aussi un loisir encore présent aux quatre coins du monde. Instagram et YouTube notamment donnent l’accès à un nombre quasi infini de réalisations et de tutoriels qui permettent un partage bien au delà de ce que les clubs ou les revues ferroviaires pouvaient transmettre il y a 30 ou 40 ans ou les forums depuis une vingtaine d’années. Il est ainsi très facile d’accéder à des savoir-faire et pratiques divers et variés en temps réel. Il est aussi possible de noter les tendances, les styles des modélistes outre-manche, en Allemagne, aux Etats-Unis, etc. Il est encore possible de s’inspirer de l’état de l’art en matière de modélisme ferroviaire, qui ne relève pas des seuls modélistes ferroviaires français. Bien entendu, il manque le contact humain mais remarquons néanmoins qu’il est plus difficile de partager cette passion en zone rurale, les clubs y sont moins présents. Nous indiquions ainsi dans cette étude que les quelques départements français sans clubs de modélisme ferroviaire étaient parmi ceux dont la densité de population était la plus faible. De ce point de vue, les réseaux sociaux comblent plutôt un manque.
Les parcs de miniature
Enfin, dernier point que nous pouvons avancer, le succès des parcs dédiés au modélisme. Nous n’aurons pas la prétention d’être exhaustif et nous limiterons à ceux que nous connaissons ou à la réputation nationale, voire internationale. En premier lieu, nous pouvons citer le plus célèbre en Europe : le « miniatur wunderland » aux réalisations époustouflantes (aéroport avec décollage d’avions, circuit de F1 animé, etc.). Nous pouvons citer en France « Mini world Lyon » dont le succès ne se dément pas depuis son ouverture en 2016. On peut encore citer France Miniature à l’échelle 1/30 et en plein air. D’autres parcs existent comme par exemple « le monde miniature » dans le Calvados, le Palais de la miniature dans l’Allier ou bien encore le « musée du train miniature » dans l’Ain.
Autant d’exemples qui au delà de leur succès donnent quelques indications quand aux voies et moyens de séduire un public large au delà des modélistes ferroviaires chevronnés : surfaces imposantes, réalisations ludiques, animations spectaculaires, évolutions régulières, etc. Ces parcs ont su proposer un spectacle qui se rapproche parfois du train jouet – celui de notre enfance – et nul ne saurait contester que les enfants y sont en nombre et avec les yeux qui brillent !
Bien sûr, ces parcs doivent se compter en France sur les doigts des deux mains et sont la conséquence d’investissement importants, avec probablement à la base un petit groupe de passionnés. Constatons enfin que la frontière est ténue entre le succès et l’insuccès. Mini World Côte d’azur, pourtant développé par les équipes de Mini World Lyon, n’a pas connu le même succès et a été contraint de fermer au bout de 3 ans.
Eléments de conclusion
La pratique du modélisme ferroviaire a connu de profonds bouleversement depuis les cinquante dernières années, les années 80 ayant constitué le point de bascule. La pratique depuis s’est ainsi spécialisée et nul ne saurait contester la nette amélioration de la qualité des réseaux depuis 25 ans. Au delà de la pratique en clubs, des partages au travers des revues et des forums, des salons spécialisés, les réseaux sociaux offrent une formidable ouverture sur notre loisir.
Le modélisme ferroviaire n’est pas moribond mais il devient un loisir de spécialistes et de passionnés. Il peine malheureusement à séduire les jeunes même si nous notions dans cette étude que 27 % des clubs ont une action spécifique en leur direction. Le renouvellement des pratiquants est ainsi un enjeu essentiel de notre loisir mais il est difficile d’envisager dans l’avenir une croissance de ce nombre.
Un dernier point sur lequel nous souhaitons mettre l’accent. Les chiffres et analyses que nous produisons le sont la plupart du temps sur un périmètre français. Il ne faudrait néanmoins pas conclure trop hâtivement sur un périmètre qui finalement ne représente qu’une petite partie des modélistes ferroviaires : en prenant les valeurs moyennes, il y a 4 fois plus de modélistes ferroviaires en Angleterre et 10 fois plus en Allemagne. C’est peut être aussi ces écarts là qu’il faudrait savoir expliquer pour aller encore plus avant dans ces analyses…
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